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GEOGRAPHIE DU MONDE DE L'ART

 

Quels marchés tirent leur épingle du jeu ?

Puissance de la Chine, ventes record à New York, collectionneurs milliardaires du Moyen-Orient, ou ruée vers l’art africain…

Les tendances internationales du marché de l’art font souvent les gros titres.

Mais savez-vous vraiment quelles régions se démarquent, quelles villes ont particulièrement brillé ces dernières années ? 

Voici un tour d’horizon des différentes places de marché qui attirent les collectionneurs d’aujourd’hui.

 

Les leaders historiques

Les États-Unis et l’Europe dominent depuis toujours le marché de l’art international. New York, Londres et Paris sont dans le top 5 du classement depuis des décennies (Artprice 200320122022). La raison ? 

Une offre exceptionnellement riche, en qualité mais aussi en quantité, et des positions économiques et politiques hégémoniques depuis des siècles.

Jusqu’au début du 21ème siècle, l’Europe et les États-Unis régnaient en maître sur le marché de l’art.

125179 317065La vente record de l’œuvre d’Andy Warhol, Shot Sage Blue Marilyn, adjugée pour 195 millions de dollars en mai 2022, à Christie’s New York. © Foundation for the Visual Arts, Inc. / Artists Rights Society (ARS), Jeenah Moon pour le New York Times

 

L’existence d’un marché plus globalisé, tel qu’on le connaît aujourd’hui, est né suite à plusieurs vagues de mondialisation de l’art.

La dernière est associée à deux événements simultanés : la chute du mur de Berlin, et la biennale internationale de Paris la même année. Celle-ci a été largement perçue comme un pas vers l’universalisation de l’art occidental.

Dans les décennies suivantes, la Chine et la Russie ont pris de l’ampleur sur la scène internationale.

 

La Chine, une croissance éclair

Le spécialiste de la Chine Philip Dodd voit un comportement récurrent chez les collectionneurs issus de régions émergentes.

Ces derniers commencent par acheter des objets historiques de leur propre culture, en général dans les collections occidentales, dans un besoin de ré-appropriation.

Puis ils se tournent vers l’art contemporain local, avant d’investir enfin dans l’art international.

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La Chine occupe 20% du marché mondial en 2021 © Art Basel et UBS 2022

 

Parfaite illustration de ce phénomène, la Chine a connu une croissance exceptionnelle en quelques décennies.

Désormais, elle occupe la deuxième place sur le podium du marché international, juste après les États-Unis.

Elle a surtout connu un pic fulgurant entre 2000 et 2011 (passant de 1% à 30% de part de marché et dépassant même les USA en 2011) avant de voir les places occidentales reprendre le dessus.

Mais la Chine connaît toujours des poussées de croissance fulgurantes année après année. En 2021 par exemple, et malgré la pandémie mondiale, les ventes d’œuvres d’art ont augmenté de 35%. Par ailleurs, le pays ouvre un nombre impressionnant et constant de nouvelles infrastructures (musées, maisons de vente, espaces d’exposition) privées comme publiques (Art Basel et UBS, 2022).

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En 2011, la Chine atteint le sommet de son ascension fulgurante et dépasse même les États-Unis en chiffres de ventes © Art Basel et UBS 2022 / Art Economics 2022

 

Aujourd’hui, grâce aux ventes d’œuvres des plus grands artistes internationaux à Pékin et Hong Kong, et à la cote montante des artistes du continent, la Chine est résolument l’une des places de marché les plus puissantes et importantes du monde.

 

L’Asie hors-Chine, des places de marché émergentes

En dehors de la Chine, d’autres marchés asiatiques font peu à peu leur chemin en tant qu’acteurs importants.

Ainsi, Hong Kong est l’une des villes les plus dynamiques du monde de l’art, et le Japon et la Corée du Sud suivent de près en s’appuyant sur le même modèle. 

En 2021, la Corée est entrée dans le top 10 des places de marché internationales, après avoir quadruplé son chiffre de ventes en deux ans. Taiwan fait également irruption dans ce podium, même si sa croissance est moins impressionnante (Artprice 2021).

Les voiles du succès coréen sont gonflées par le dynamisme de jeunes collectionneurs locaux, et par la présence d’institutions prestigieuses et de marchands internationaux : Frieze a posé ses bagages à Séoul du 2 au 5 septembre. Mais le boom du marché coréen repose aussi sur son offre exceptionnelle : les artistes coréens ont  le vent en poupe, comme le témoigne la popularité explosive de noms comme Kim Whan-Ki, Lee Ufan, Kim Tschang-Yeul et Park Seo-Bo (Artprice 2021).

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L’évolution de la cote de Kim Tschang-Yeul et Lee Ufan témoigne de l’intérêt grandissant à l’échelle mondiale pour les artistes coréens. © Artprice 2022

 

En Inde, Bombay occupe le statut de capitale des enchères : Christie’s et Sotheby’s ont choisi de s’y installer et leurs ventes d’art sud-asiatique atteignent de très belles performances (Artprice 2019).

Côté foires, c’est New Delhi qui domine : India Art Fair a d’ailleurs connu un grand succès lors de son édition 2022

Les collectionneurs actuels privilégient pour l’instant grandement l’art indien à l’art international (Artprice 2019), ce qui concorde avec le motif récurrent des marchés émergents.

Singapour, de son côté, bénéficie d’un regain de puissance.

En effet, la situation sanitaire de Hong Kong et ses relations politico-économiques avec la Chine continentale, moins favorables ces deux dernières années, ont fait fuir de nombreuses personnes en faveur de la cité-État.

Une tendance que les acteurs du marché n’ont pas laissé passer : Sotheby’s y a organisé fin août 2022 sa première vente majeure depuis 15 ans.

 

La France, une reconquête récente

La France occupe la quatrième position du classement international depuis plusieurs années.

Elle a perdu sa position dominante face aux puissances anglophones dans les années 50, en particulier New York qui avait accueilli de nombreux artistes en fuite pendant la Seconde Guerre mondiale.

En 2010, le rapport annuel d’Artprice dédie un chapitre au déclin inévitable de la France sur le marché international, annonçant que ses erreurs stratégiques ont fait d’elle un pays perçu comme un grenier rempli d’œuvres abordables.

La capitale française est associée à un marché conservateur, réfractaire au progrès, peu inclusif des artistes et marchands internationaux.

En bref, une destination excellente pour ses musées, mais pas une puissance commerciale.

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En 2021, la France est le deuxième pays le plus dynamique du marché de l’art international en termes de volume de transactions, derrière les États-Unis. © Artprice 2022

 

Une décennie plus tard, en 2021 et 2022, la roue tourne : Londres est coupée du marché européen, et les acteurs du marché affluent vers la capitale française. 

Paris gagne une force sans précédent : l’ouverture de la Bourse de Commerce - Pinault , mais aussi de nombreuses branches de galeries internationales (parmi elles les titans Hauser & Wirth) illustrent un dynamisme rafraîchissant.

Sans parler de la nouvelle foire du groupe Art Basel, Paris+, qui investira le Grand Palais Éphémère en octobre 2022 à la place de la FIAC.

 

Les promesses de l’Amérique latine

L’Amérique latine, plus discrète sur la place mondiale, maintient de bons résultats. Avec des foires internationales telles que SP-Arte à Sao Paulo et Art Rio, ainsi que l’historique Biennale de Sao Paulo, le Brésil présente l’une des offres les plus dynamiques.

Quant au Mexique, il a également le vent en poupe avec la foire majeure Zona Maco à Mexico et de nombreuses galeries et collectionneurs de haut rang dans le pays.

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De 2018 à 2023, la contribution de l’Amérique latine au marché mondial a prévu d’augmenter de près de 20%. © Statista

 

L’Uruguay émerge lui aussi dans l’intérêt international, avec l’aide de galeries importantes telles que la galerie Xippas à Montevideo (influente également à Paris et à Genève).

Sans oublier la cote montante de noms contemporains - Pablo Atchugarry, par exemple, dont les œuvres ne manquent jamais en foire et qui vient d’ouvrir le premier musée permanent d’art contemporain du pays.

D’ailleurs, l’édition 2022 de l’Armory Show, à New York, dédie son programme aux artistes de nationalité ou d’origine latine.

Une preuve supplémentaire que la création artistique d’Amérique latine suscite un intérêt tout à fait international !

 

L’Afrique : des « hubs » dynamiques

Il est difficile de parler d’un marché de l’art africain unique, tant le continent regroupe de pays et de cultures différentes.

Pour cette raison, il est nécessaire de regarder certaines villes comme des marchés régionaux indépendants.

Plusieurs facteurs démontrent tout de même une tendance forte et croissante pour l’art africain sur la scène internationale.

En 2016, par exemple, Sotheby’s a ouvert un nouveau département entièrement dédié, et le Financial Times annonçait un marché kenyan particulièrement prometteur.

La foire spécialisée 1-54, qui a lieu chaque année à New York, Londres et Marrakech, a inauguré sa première édition à Paris en 2021.

Celle-ci (ainsi que la suivante, en 2022) ont déjà conquis le cœur des collectionneurs qui expriment une demande grandissante pour la création africaine et ses diasporas.

Enfin, les ventes aux enchères le confirment : de nombreux records ont été battus pour les artistes contemporains africains ces trois dernières années (Julie Mehretu, El AnatsuiBen Enwonwu ou encore Samuel Fosso, parmi beaucoup d’autres) et les ventes dédiées organisées par les plus grandes maisons ont réalisé de très bonnes performances.

En l’absence de support gouvernemental et d’infrastructures publiques internationales et solides, c’est l’argent privé - et notamment occidental - qui rythme la tendance.

Ainsi, les villes de Marrakech, Accra, Dakar, Lagos, Cape Town et Addis Abeba ont été identifiées par une étude Artnet comme étant les « hubs » prometteurs du continent, de par le rayonnement de leurs galeries et leurs artistes à l’international.

 

La géographie du marché de l’art : une évolution complexe et fluctuante

D’une année à l’autre, le marché de l’art a évolué au gré des tendances et bouleversements socioéconomiques.

Alors que l’Europe, la Chine et les États-Unis conservent leur position dominante sur le reste du monde depuis plusieurs années, de nouvelles places de marchés prennent en importance.

Les experts parlent souvent de régionalisation du marché de l’art, et à en croire les tendances en Asie, en Amérique latine et en Afrique, il semblerait bien que l’on avance vers une pluralité du monde de l’art.

Ainsi, si la globalisation du marché est bien en cours, cela ne va pas de pair avec une homogénéisation. De quoi se réjouir pour la suite !