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L'ASSURANCE D'ŒUVRES D'ART

 

Sculpture fondue, baiser vandale, tableau criblé de céréales…

Qu’elles soient exposées chez un particulier, sur un stand ou dans un musée, les œuvres d’art en voient de toutes les couleurs.

Heureusement, des sociétés spécialisées se chargent de couvrir collectionneurs, professionnels et exposants en cas de pépin.

Avec eux, découvrons l’assurance d’œuvres d’art en 10 précieux secrets !

1. L’art s’assure à part

« Ce qui est imposé par les contrats d’assurance classiques n’est pas adapté aux réalités du monde de l’art », explique Hadrien Brissaud, co-fondateur en 2016, avec Édouard Bernard, de la société de courtage Appia Art & Assurance. Eux-mêmes amateurs et collectionneurs, les deux associés se consacrent exclusivement à l’assurance d’œuvres d’art, d’objets de collection et de lieux d’exposition. En négociant avec de grandes sociétés d’assurance telles qu’AXA Art, Hiscox, Allianz, Helvetia et Liberty, ils élaborent des contrats sur-mesure pour leurs clients : beaucoup de galeries et de commissaires-priseurs, mais aussi des particuliers et quelques institutions privées prestigieuses, comme le Musée des Arts décoratifs de Paris (MAD).

2. Tout objet est assurable

Statuettes et masques d’arts premiers, africains et océaniens, peintures de Rembrandt, toiles des XVIIe et XVIIIe siècles, art moderne et contemporain, timbres, montres, bijoux, affiches vintage, pièces design, voitures anciennes… Appia Art & Assurance assure toutes sortes d’œuvres et d’objets. D’un simple stylo ayant appartenu au général de Gaulle, à des tableaux d’art moderne d’une valeur unitaire de 40 millions. « Depuis près de deux ans, nous assurons en « clou à clou » (c’est-à-dire pendant le transport de l’œuvre depuis son décrochage jusqu’à son retour au point de départ) et en séjour le musée tolédan qui a accueilli la collection du mécène américano-cubain Roberto Polo suite au don qu’il avait fait à la communauté de Castille-La Manche, précise Hadrien Brissaud. Soit près de 400 millions d’euros de tableaux et sculptures ! »

3. Le transport est la première cause d’accident

Le cas le plus fréquent auquel sont confrontés les assureurs ? Des œuvres endommagées pendant leur transport. Verre brisé, toile déchirée… « Très souvent, c’est à cause du transporteur ou d’un emballage insuffisant. La plupart de ces accidents ont lieu lors de l’arrivée en foire. C’est l’effervescence, des grues et des chariots élévateurs s’affairent dans tous les sens… Un jour, un tableau a même été transpercé par un Fenwick ! raconte Hadrien Brissaud. Il est aussi arrivé que, manipulé par les équipes d’un commissaire-priseur, un miroir ancien se brise juste après le coup de marteau entérinant sa vente à 20 000 euros ! L’acheteur a bien sûr été indemnisé. »

4. Les vols sont plus fréquents qu’on ne le croit

« Le vol est le deuxième cas le plus fréquent. Sur un total de 500 clients, nous sommes confrontés à environ 10 cas par an. Il y en a beaucoup en galerie, sur les stands des foires et dans les maisons de vente, mais aussi chez les particuliers, dans les maisons secondaires et les boxes de stockage. Les petits formats et les petites sculptures, faciles à glisser dans une poche, sont les plus subtilisés. On demande donc aux galeristes de les fixer ou de les mettre sous vitrine. » En 2008, quatre tableaux signés Paul Cézanne, Claude Monet, Vincent van Gogh et Edgar Degas, d’une valeur totale de 112 millions d’euros, avaient été dérobés à la Fondation Emil Georg Bührle (Zurich) par des malfrats armés… puis finalement retrouvés par la police. « Dans ces cas-là, explique Hadrien Brissaud, le propriétaire doit rendre l’argent à l’assureur, ou alors lui laisser l’œuvre. »

5. Un bouchon de champagne peut être fatal

Troisième cas de figure, les accidents de la vie courante : des œuvres qui se décrochent à cause d’un clou fatigué, ou heurtées par mégarde sur un stand d’exposition. Mais aussi des dégâts des eaux, ou un verre renversé lors d’un cocktail… En février 2019, une toile de Jean-Michel Basquiat à 110 millions de dollars avait été fortement endommagée sur un yacht, bombardée de céréales par les enfants de son propriétaire ! Non informés de sa valeur et de la conduite à tenir, le personnel avait aggravé les choses en l’essuyant avec un chiffon… Pour éviter l’encastrement d’un bouchon de champagne dans un Pablo Picasso (véridique) et autres drames du genre, des cours de sensibilisation destinés au personnel sont désormais proposés. À étendre à la famille et aux invités

6. Il n’est pas si cher d’assurer ses œuvres

Si le tarif varie en fonction des œuvres et des risques encourus – une célèbre galerie bien en vue sera plus exposée qu’une petite enseigne cachée au fond d’une cour – le coût d’assurance d’une collection est relativement faible par rapport à sa valeur. « Pour une collection à deux millions d’euros, la prime annuelle à payer pourrait être (en fonction de la nature de la collection) d’environ 4000 euros. En cas de vol d’une œuvre à 100 000 euros, l’indemnisation équivaudrait alors à 25 ans de prime d’assurance » souligne Hadrien Brissaud. Le jeu en vaut donc la chandelle. D’autant qu’Appia Art & Assurance propose une prime minimum pour jeunes collectionneurs : 200 euros annuels, pour une collection d’une valeur de 50 000 euros. « Pour les œuvres les plus précieuses, on peut demander des documents attestant de leur origine et de leur valeur. Mais quel que soit leur prix, tous les objets sont assurés en tous risques ».

7. L’assureur, lui aussi, couvre ses arrières

Avec flair, la compagnie AXA Art avait refusé d’assurer la Fondation Bürhle peu de temps avant le vol de 2008, jugeant les dispositifs de sécurité trop minces. « Les contrats prévoient aussi des exclusions pour certaines situations, explique Hadrien Brissaud. Les œuvres sont assurées en tous risques, sauf si le sinistre provient d’un vice propre de l’œuvre ou s’il est dû à une négligence de la part du propriétaire. Nous prenons aussi des précautions en demandant à ce que les pièces soient transportées par avion, car le bateau présente trop de dangers ». Sauf pour des œuvres de l’artiste coréen Lee Ufan, car il s’agissait de grosses pierres peu fragiles. « Lorsque nous avons assuré des œuvres d’art contemporain installées sur un yacht, le contrat excluait toute indemnisation en cas de corrosion saline, de tempête ou de naufrage. » Si un client veut embarquer ses trésors en mer, à lui d’en assumer les risques !

8. Le vandalisme est couvert, pas la dégradation « naturelle »

En 2007, une femme avait, dans un élan d’extase artistique, embrassé une œuvre de Cy Twombly, maculant la toile blanche d’une trace de rouge à lèvres. Exposé à la Collection Lambert (Avignon), le tableau faisait partie d’un triptyque assuré à 2 millions euros. Les frais de restauration ont été couverts par la compagnie concernée, ce qui n’a pas empêché le collectionneur de poursuivre la vandale en justice pour d’autres compensations. En revanche, pas d’indemnisation prévue en cas de dégradation « naturelle », comme l’usure due au passage de visiteurs autorisés à toucher ou escalader une œuvre, ou encore la tige en métal d’un mobile de Tinguely, qui finit par se tordre sous le poids des ans. « Un jour, une sculpture, composée d’un métal spécial très sensible à la chaleur, a fondu dans sa caisse, au soleil sur un tarmac. Cela n’a pas été couvert : c’était à l’artiste et au galeriste de prévoir un emballage adapté ! »

9. Pas d’assurance pour la « Joconde » !

Quid des collections publiques ? Quand le Pont d’Argenteuil de Claude Monet (1874) a été déchiré par un intrus ivre au musée d’Orsay en 2007, l’État a dû assumer les frais de restauration. Et lorsqu’une boule de papier mâché a atterri sur un Vassily Kandinsky au musée des Beaux-Arts de Nantes, la Ville a payé la facture. Car, contrairement aux musées privés, l’État ne paie pas d’assurance. La cause ? Trop d’œuvres, et d’une valeur trop élevée. Personne n’aurait les moyens d’assurer des tableaux inestimables tels que La Joconde de Léonard de Vinci ! Ne reste qu’à investir dans la sécurité. En revanche, lorsqu’un organisateur emprunte une œuvre à l’Etat pour une exposition, que ce soit dans un lieu privé ou public, il a l’obligation d’assurer cette œuvre en transport et en séjour.

10. Art contemporain et balayette ne font pas bon ménage

En 2015, une installation composée de bouteilles de champagne et de confettis, prise pour les restes d’un vernissage arrosé, avait été embarquée dans des sacs poubelle par le personnel de nettoyage d’un musée d’art moderne italien. En 2014, c’était une œuvre à 10 000 euros de l’Américain Paul Branca, constituée de papiers et de morceaux de biscuits, qui avait été jetée. Tracey Emin, Damien Hirst et Gustav Metzger ont eux aussi fait les frais de telles erreurs. « Dans ces cas-là, les artistes sont indemnisés. Mais cela souligne l’importance de bien informer le personnel en amont », rappelle le co-fondateur d’Appia Art & Assurance. Heureusement, les œuvres contemporaines (surtout s’il s’agit d’une simple banane scotchée) sont souvent plus faciles à restaurer qu’une toile de maître. Comme cette mouche en plastique à 50 000 euros, cassée par une fillette sur un stand d’Art Basel en 2019, mais réparée pour trois fois rien. Au grand soulagement des parents !